La massothérapie haïtienne, entre médecine traditionnelle et traditions vodou.
La médecine traditionnelle reste et demeure très présente en Haïti. Aussi, elle développe un lien étroit avec les différentes communautés qui y ont recours que ce soit dans le milieu urbain que dans le milieu rural. Cette médecine traditionnelle occupe une place prépondérante dans les soins à prodiguer mais aussi elle tient un premier rôle dans les réflexes des gens car le système sanitaire haïtien malheureusement n'est pas en mesure de répondre à la demande sans cesse grandissante de la population haïtienne.
Ainsi, la médecine traditionnelle a toujours été présente dans le pays. Et si on se réfère à l'histoire d'Haïti, on peut voir que depuis la période précolombienne elle était présente avec les indiens qui se soignaient avec de la quinine, et surtout ils utilisaient du mabi et beaucoup d'autres plantes qui étaient dotées de propriétés thérapeutiques. Et à côté de cela, il y aussi les Africains qui étaient amenés de force dans la colonie de Saint Domingue et qui ont pu l'enrichir (l'ethnobotanique haïtienne) avec leurs pratiques et surtout des croyances traditionnelles issues surtout du vodou. D'ailleurs, il y a lieu de citer par exemple le notoire général Toussaint Louverture qui avait aussi des connaissances sur la médecine traditionnelle et y avait même recours. Donc par ce voyage historique, nous pouvons voir que le patrimoine ethnobotanique du peuple haïtien en est sorti enrichi. Mais il faut dire que la médecine traditionnelle peut aussi avoir plusieurs aspects ainsi elle peut référer à l'ethnobotanique (pharmacopée) qui désigne l'ensemble des plantes qu'une société utilise pour se soigner, et elle comprend aussi les techniques d'accouchements traditionnels référant aux matrones et surtout la massothérapie ou kinésithérapie qui fera l'objet de notre article.
À côté de cet aspect-là, un autre tout aussi intéressant à regarder est la richesse cognitive de cette médecine traditionnelle en passant à travers les multiples techniques, savoir et savoir-faire que les communautés concernées transmettent de générations en générations. D'où l'objet de cet article qui vise à mettre en exergue non seulement la richesse de la médecine traditionnelle haïtienne avec son métissage, son aspect patrimonial et évolutif mais aussi le type de rapport que la massothérapie haïtienne développe avec le Vodou. Et pour y parvenir nous avons consulté des sites internet mais aussi passé un questionnaire à un jeune praticien qui s'y adonne depuis l'âge de 12 ans.
Ainsi, dans un premier temps nous présenterons un aperçu historique sur l'évolution du concept et de son parcours en Haïti puis après nous exposerons les résultats de notre entretien.
La massotherapie, c'est quoi ?
Perçue comme un moyen pour rester en santé mais aussi pour tenir la forme, c'est une forme de thérapie particulière. Ainsi, la massothérapie serait un moyen de prévenir certaines maladies et de répondre à certains besoins physiologiques. Selon notre praticien, elle faciliterait aussi une meilleure circulation du sang. D'un point de vue de posologie, d'autres le recommenderait même 2 à 3 fois par semaine pour se sentir bien dans sa peau.
Communément appelé en créole rale, en français on parlerait plutôt de massage car le mot manyen à cause de sa polysémie porte trop de préjudices. En fait, on en distingue deux types : le massage oriental qui est en fait un massage musculaire et le massage torride se basant sur la chaleur comme dans les saunas (propos rapportés par notre praticien).
Toujours selon lui, il est toujours nécessaire de se faire masser mais des signaux d'avertissement existeraient comme par le biais des yeux, des ongles. Et le massage devrait aussi se faire de la tête au pied pour éviter n'importe quelle maladie.
Comment se faire masser ?
D'abord il faut réunir les accessoires dont on aura besoin dont de l'huile de Palma christi ou de l'huile de maskriti comme on l'appelle communément en créole, de l'alcool (clairin blanc), du savon de lessive. À chacun sa façon de procéder mais pour commencer on verse le clairin dans une cuvette blanche ou une assiette de la même couleur en fer-blanc (émaillée) et on le mélange avec le savon puis on masse sur la partie concernée après avoir dessiner des motifs de croix avec de la cendre puis on presse, on tire vers soi et on tourne dans le sens des aiguilles d'une montre la partie enflée jusqu'à ce que l'os retourne à sa place et ceci est valable en cas d'entorse ou de luxation. Car le massage est aussi une relaxation des muscles, de ce fait certaines personnes utilisent des sangsues d'abord pour mettre la personne dans l'ambiance.
Toujours dans le cadre de l'entrevue, notre praticien a tenu aussi à préciser le bien fondé de certaines pratiques du haut de ses huit ans d'expériences. Donc on peut parler dans ce cas de transmission car cette dernière découle d'abord de la reconnaissance, et aussi de l'appropriation entre autres. Il nous a aussi expliqué quelques notions comme les boutèy et leur importance, le bois de cède par exemple qui est utilisé pour les rendements de compte et aussi il y a les principes, les senp qu'on pratique généralement avant le massage.
Un héritage patrimonial et son lien avec le vodou
L'aspect patrimonial du massage en Haïti viendrait dans le sens que cette pratique existe depuis plusieurs années en Haïti et qu'elle est aussi ancienne que bon nombre de pratiques et de rituels vodous. En effet dans bon nombres dentre eux visent à chasser des esprits ou à guérir des adeptes, des hougans ont recours au massage pour soigner les pratiquants. D'ailleurs en Haïti les herboristes détiennent aussi des connaisseurs tant sur le déroulement des cultes que sur les feuilles pouvant soigner les moindres maux. Aussi, une démonstration de "rale" à l' haïtienne permet de voir qu'une croix est généralement dessinée sur la partie malade, à cela s'ajoute des incantations murmurées à voix basse. Cela ne fait aucun doute sur le rapport existant entre le vodou et le "rale" mais il faut dire que savoir masser les gens ne veut pas dire pour autant qu'on est vodouisant, bien que des liens existent entre les deux. Toutefois, notre praticien n'ignore pas non plus cette éventualité. Selon lui, c'est la finalité qui importe à savoir pourquoi on le fait. Donc, cet état d'esprit servira à faire le distinguo entre le massage sacré et le massage profane bien que la différence ne soit pas trop évidente.
Dans le cadre de notre recherche et à partir d'une observation participante on a pu constater que des éléments présents dans le Vodou existent bel et bien dans la massotherapie haïtienne. Et on peut citer par exemple la libation, le fait de dessiner des croix sur les parties affectées ou encore le fait d'utiliser certaines feuilles ou d'avoir recours à des songes pour expliquer certains comportements ou malaises. Donc, un rapport indissociable existe entre les deux pratiques dans le sens que la massothérapie permet de comprendre le rapport d'interdépendance existant entre le corps et l'esprit, le rapport existant surtout entre le somatique et le psychique.
Notre article à vu le jour suite à une série d'interrogations mais aussi de fascination et de curiosité tournant autour du phénomène de la massothérapie en Haïti. Aussi, nos différentes interrogations nous ont conduit à nous intéresser sur l'origine de cette pratique multiforme et aussi historique car elle remonte à l'époque des premiers habitants de l'île qui furent les Indiens. Et pour toujours mener à bien notre travail de recherche notre entretien avec un jeune praticien hospitalier nous a ouvert la porte du monde de la massothérapie. Il a attiré notre attention sur le potentiel patrimonial de la pratique car elle découle d'une transmission faite de père en fils. Ainsi, cette pratique mérite dêtre encadrée et valorisée ; ce travail est un premier pas vers cet objectif.
Jean Enock FRANÇOIS
Étudiant finissant en patrimoine et tourisme
Téléphone : (509) 4289-1374
Bon travail Enock!
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